lundi 18 juin 2012

Et si Hugo Chávez était mortel ?


Voilà une semaine, Chávez déposait officiellement sa candidature pour l'élection présidentielle du 7 octobre, entouré par des milliers de partisans : ceci malgré un cancer dans la zone pelvienne diagnostiqué il y a plus d'un an. Il y a peu pourtant, la rumeur le disait mourant.
La maladie avait contraint le sulfureux président vénézuélien à devenir un chef d'État intermittent. Affaibli, l'ex-lieutenant-colonel a dû apprendre à déléguer. Il avoue lui-même ne plus être aujourd'hui "le cheval fougueux" capable de parler des heures durant et de répondre en personne à toutes les sollicitations. Cette situation a forcé Hugo Chávez à s'appuyer sur ses ministres et les leaders du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) pour poursuivre sa révolution socialiste, favorisant l'émergence de "dirigeants alternatifs" comme le vice-président Elías Jaua ou le chef de la diplomatie Nicolas Maduro.

Rumeurs

En avril, le président vénézuélien avait même convoqué la toute première session du Conseil d'État. Une décision qui confirmait l'impression que le processus de transition était en cours. Le sujet restait sensible au sein des militants du PSUV alors que l'opposition affirme qu'une guerre de succession a déjà éclaté entre M. Maduro, qui s'est allié au vice-président, et Diosdado Cabello, le président de l'Assemblée nationale, numéro deux du PSUV. 
"Il semble que nous allons devoir nous habituer à vivre avec ces rumeurs, qui font partie (...) d'une guerre psychologique, d'une sale guerre", déclarait le vieux leader. Après bientôt quatorze ans au pouvoir, le visage d'Hugo Chávez sourit inlassablement sur des affiches géantes aux quatre coins de Caracas, et cela ne semble pas près de s'arrêter. Car une transition politique risque d'être particulièrement ardue : aucun successeur n'émerge encore et tout semble graviter autour de la personnalité du dirigeant socialiste. Armando Briquet, directeur de campagne de l'opposant Henriques Capriles, décrit l'administration de Chávez comme "une entreprise familiale dans laquelle le chef de famille refuse de voir ses enfants le surpasser".

Irremplaçable

Figure remuante, intarissable et omniprésente de l'exécutif vénézuélien depuis 1998, dès son élection, Hugo Chávez avait fait adopter par référendum une constitution renforçant le rôle du chef de l'État. Le pouvoir est monocaméral, le présidentialisme à peine atténué. Chávez se rend irremplaçable. "Il contrôle l'État, l'armée, le parti et les organisations d'assistance sociale. Personne ne jouit de la même légitimité, personne ne peut prétendre le remplacer. S'il quittait vraiment la politique, il y aurait plusieurs processus de transition : trouver un remplaçant à court terme, un nouveau leader et un candidat capable de gagner l'élection", explique l'analyste politique Carlos Romero de l'Université centrale du Venezuela.
Tout a commencé en 1998, une année qui marque un tournant pour l'Amérique latine. Au Venezuela, un coup militaire soutenu par les États-Unis contre le gouvernement élu d'Hugo Chávez échoue. Ce coup manqué fut perçu non seulement comme une victoire pour la démocratie, mais aussi pour le progrès social et le changement économique. C'est un "socialisme du XXIe siècle" que le président élu prônait au travers de la "révolution bolivarienne". Il établit une sécurité sociale et plus d'un million de personnes, principalement des femmes, apprennent à lire et à écrire. Aujourd'hui, Chávez souhaite encore et toujours lutter contre la pauvreté et les inégalités. Il jure vouloir le partage des richesses et veiller à ce que l'investissement social ne tourne pas au clientélisme, mais participe plutôt à l'émancipation. C'est grâce à ces idées qu'il jouit toujours d'une popularité élevée.

"L'incertitude" vénézuélienne (J. Magdaleno)

Las ! Le Venezuela continue à affronter de nombreux problèmes. Car l'interventionnisme étatique a ses travers. La corruption, qui pèse sur l'environnement des affaires, est courante au sein des administrations et des entreprises publiques. La gestion du pays reste opaque et l'imprévisibilité du président n'arrange rien. Ses décisions arbitraires - comme les nationalisations -, son contrôle des prix et son hostilité vis-à-vis des capitaux privés entretiennent la réticence des investisseurs domestiques et étrangers. L'investissement privé est ainsi déprimé par cet environnement dissuasif et par les importantes pressions inflationnistes entretenues par l'administration Chávez. La criminalité est élevée, la violence urbaine endémique, et une forte inégalité sociale persiste. Le pays fait face à une crise du logement sans précédent.
Aujourd'hui, tous ses possibles successeurs manquent de la popularité, mais aussi du charisme d'Hugo Chávez. "Il n'y a aucun doute que Chávez est le candidat le plus compétitif et que sans lui la continuité de son projet socialiste est en danger, mais sa victoire aux prochaines élections ne fera que prolonger l'incertitude dans laquelle se trouve le pays", dit John Magdaleno, analyste politique à Caracas.
"Les jours de Chávez sont comptés", déclarait cependant le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, début juin. Il notait par ailleurs que sans son soutien, les gouvernements de Cuba et du Nicaragua auraient du mal à se maintenir. La mort du leader vénézuélien risquerait de changer l'équilibre en Amérique latine. "Si ses subventions à Cuba et au Nicaragua sont supprimées, ces régimes se retrouveront en difficulté." M. Zoellick a appelé l'Amérique latine à profiter de l'"opportunité" de faire du continent américain une région "démocratique", un espace de "développement" et non pas de "coups d'État, de caudillos et de cocaïne". Il a ajouté que ces pays devraient profiter du boom des matières premières pour diversifier leurs économies.

Quel plan B ?

Un plan B semble nécessaire en somme. Mais personne ne paraît prêt à en discuter dans l'entourage du président, et un récent sondage révèle qu'une majorité des électeurs pense que Chávez retrouvera une santé de fer. Les sondages d'intentions de vote donnent d'ailleurs pour l'heure une avance de 7 à 30 % au président sortant.
En théorie, en cas de décès d'un président au cours des quatre premières années de son mandat, c'est au vice-président d'entrer en fonction avant de nouvelles élections qui doivent avoir lieu au bout de trente jours. Le choix du vice-président sera donc crucial, et peut-être une première piste pour distinguer un successeur légitime.

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