dimanche 27 novembre 2011

Avec la suspension du maire de Bogota, la gauche discréditée en Colombie

BOGOTA, CORRESPONDANTE - Le coup est dur pour la gauche colombienne. A six mois des élections municipales, le maire de Bogota, Samuel Moreno, vient d'être suspendu de ses fonctions pour trois mois par la Procuraduria, l'organisme disciplinaire chargé de surveiller élus et fonctionnaires. Elu sous l'étiquette du Pôle démocratique alternatif (PDA, gauche), Samuel Moreno est accusé de graves négligences dans l'exécution des contrats publics. Il a fait savoir, mercredi 4 mai, qu'il n'avait pas l'intention de démissionner, comme le lui demande désormais son parti.
Les grands travaux engagés par la mairie ont converti la capitale colombienne en un immense et interminable chantier. S'y déplacer est devenu un martyre quotidien pour 7 millions d'habitants. "Samuel est le pire maire que nous ayons jamais eu", soupire Roque Peralta en évitant un nid-de-poule au volant de son taxi bringuebalant.



SANCTION DISCIPLINAIRE RENOUVELABLE

Principal parti d'opposition, le "Pôle" contrôle depuis sept ans Bogota. Le bastion est important dans un pays où la gauche a toujours été faible dans les urnes. D'autant plus qu'il est doté d'un budget annuel de 10 000 milliards de pesos (4,3 milliards d'euros). "Le poste de maire de la capitale est le plus important du pays après celui de président de la République", tous les Colombiens semblent en convenir.

Renouvelable pour trois mois supplémentaires, la sanction disciplinaire imposée mardi à M. Moreno pourrait déboucher sur sa destitution définitive. Elle n'exclut pas d'éventuelles poursuites pénales. Le frère du maire, le sénateur Ivan Moreno, est déjà en prison. Membre lui aussi du Pôle, il est accusé de malversations dans l'attribution de ces marchés litigieux.

Quatre jeunes entrepreneurs à la tête d'une société familiale de travaux publics ont également été mis sous les verrous. Soupçonnés d'avoir versé d'incalculables pots-de-vin, les frères Nule, c'est leur nom, sont devenus le symbole de l'incurie et de la corruption. Les frères Moreno – petits-fils du général et dictateur populiste Gustavo Rojas Pinilla au pouvoir dans les années 1950 – incarnent eux les vices de la politique colombienne.

SOUTIEN DU PARTI JUSQU'AU DERNIER MOMENT

Les accusations de mauvaise gestion et les scandales ne concernent pas que la capitale, loin s'en faut. Mais, faute de faire la différence sur le terrain de la corruption, la gauche s'y est discréditée. Les bons résultats affichés à Bogota dans les domaines de la santé, de l'éducation ou de la réduction de la grande criminalité pèsent peu. "La direction du Pôle démocratique a commis une erreur en soutenant jusqu'au dernier moment le maire et son frère, alors même que les soupçons de corruption ne cessaient de grandir", affirme le conseiller municipal Carlos Vicente de Roux.

Déjà très affaibli par ses divisions internes et la désertion de plusieurs de ses dirigeants, le Pôle aura du mal à s'en remettre. L'ancien syndicaliste et ex-maire de Bogota (2004-2007) Luis Eduardo Garzon a rejoint le Parti vert. Et l'ancien candidat présidentiel Gustavo Petro a décidé de faire cavalier seul.

La ministre de l'éducation, Maria Fernanda Campo, a été désignée mercredi pour assurer l'intérim à la tête de la mairie. Le Pôle doit dans les prochains jours présenter une liste de trois candidats au président Juan Manuel Santos, chargé de nommer le remplaçant officiel de M. Moreno. La tâche ne s'annonce pas facile pour le Pôle. Les élections d'octobre non plus.

Source : Le Monde

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